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COMPTE-RENDU de la sortie du samedi 7 avril 2018 : « à la découverte d’Ophrys occidentalis dans le Périgord...
BERBIGUIERES




Samedi 7 avril 2018 : « à la découverte d’Ophrys occidentalis  ».

CR de la sortie commune SFO-PCV/SFO-Aquitaine à Berbiguières (24).



L’organisation de sorties communes entre les deux SRO de la Nouvelle Aquitaine avait été décidée il y a deux ans déjà. Mais le projet n’a pu se concrétiser qu’en ce début de printemps 2018.

Le choix s’est porté sur la visite de stations d’Ophrys occidentalis, orchidée précoce de répartition méridionale qui remonte jusqu’en Gironde et Dordogne, mais que nombre d’adhérents de la SFO-PCV ne connaissaient pas. L’objectif étant aussi de comparer ce taxon à Ophrys suboccidentalis
décrit récemment de Charente-Maritime :
Ophrys suboccidentalis
RING, QUERRE & WILCOX 2017 (
in « l’Orchidophile » n° 215 de décembre 2017).


Le rendez vous était fixé à 10 heures au petit village de Berbiguières, dans le sud de la Dordogne, à une vingtaine de Km seulement du Lot. Bernard Pernet, cartographe SFO pour la Dordogne – et qui habite le village – et Jean-Christophe Blanchard, de la SFO de Gironde, accueillent les quinze membres de la SFO-PCV qui ont fait le voyage, à partir de Poitiers, Saint-Jean d’Angely, Niort ou du littoral charentais… des déplacements de plus de 200 Km en moyenne… mais que ne ferait-on pas pour découvrir un nouveau taxon .
Certains avaient choisi de venir 1 ou 2 jours auparavant et de faire un peu de tourisme dans cette belle région (on est à deux pas des Eyzies, de Sarlat, Domme…). Les autres avaient opté pour le covoiturage sur la journée.



De gauche à droite : Bernard Pernet notre guide local, cartographe SFO Aquitaine pour la Dordogne, Paul Fouquet, Jean-Michel Mathé, Jean-Pierre Ring.
 Jean-Christophe Blanchard, représentant la SFO Aquitaine, est l’auteur de la photo


L’étroitesse des routes ne permettant pas de stationner avec plusieurs véhicules, Bernard nous emmène à pied pour la visite de la première station, à une dizaine de minutes au nord-est du village. Il s’agit d’une vaste pâture – un troupeau de bovins y séjourne en été – orientée au sud et largement arborée. Les passages entre les buissons d’Aubépine et les clairières à la végétation rase abritent de nombreuses orchidées, mais seuls Anacamptis morio et Ophrys occidentalis apparaissent fleuris, ces derniers en fin de floraison. Le taxon s’épanouit habituellement début mars et seul le retard de végétation d’une quinzaine de jours nous permet de le voir fleuri à cette date tardive pour lui. Les autres orchidées repérées par leurs rosettes caractéristiques sont Anacamptis pyramidalis, Listera ovata,
Ophrys insectifera, Himantoglossum hircinum, Spiranthes spiralis ainsi qu’Orchis purpurea en boutons.

 Bernard, ainsi que Jean-Pierre Ring, nous montrent les caractéristiques morphologiques d’O. occidentalis, bien visibles sur cette population homogène, non introgressée par d’autres taxons du groupe aranifera.



Aperçu du milieu : prairie maigre sur sol calcaire où domine le prunelier


Quelques photos de détail de l’Ophrys occidentalis, donnant un aperçu de la variabilité chez cette espèce.

Retour au village à midi pour le pique nique, pris sur le parking, ce qui permet d’apprécier la vue d’ensemble sur le village, aux maisons périgourdines traditionnelles, dominées par un château bien restauré. Berbiguières compte 170 habitants, dont beaucoup d’étrangers de diverses nationalités : belges, allemands, anglais, australiens…C’est l’un des villages du Périgord noir qui a le mieux conservé son cachet d’origine, en se préservant d’un tourisme trop envahissant.




Bernard Pernet notre guide en pleine discussion avec une partie du groupe :
Echanges fructueux entre nos associations respectives de la SFO Aquitaine et la SFO PCV


La randonnée de l’après midi prévoit la visite de deux nouvelles stations situées au sud et à l’est du village. La première, une pâture orientée plein sud, permet d’observer un pied d’Ophrys occidentalis de forme chlorantha. Un peu plus loin, une pente en orientation nord, montre plusieurs centaines du même taxon en pleine floraison, avec les différentes variations individuelles qui lui sont propres, notamment au niveau de la coloration des périanthes (généralement verts-jaunâtres mais aussi blancs ou rosés). (Voir annexe)

Cette superbe station clôt agréablement une journée réussie qui nous a permis non seulement de rencontrer un taxon original (confirmant les différences morphologiques avec les populations picto-charentaises d’O. suboccidentalis) mais aussi de découvrir un secteur géographique aux paysages préservés, avec collines boisées, vallons et immenses prairies mésophiles vouées à l’élevage. Tout cela sous un ciel clément qui a contredit les prévisions météo de la veille.


Merci à Bernard pour nous avoir si bien accueilli et montré de belles stations. A charge de revanche… nous espérons avoir bientôt l’occasion de montrer aux orchidophiles aquitains quelques unes de nos belles stations du centre-ouest.

 

Compte rendu rédigé par J.-M. Mathé, relu et corrigé par Bernard Pernet.
Illustrations : J.-M. Mathé, J.-C. Blanchard, J. Charreau, J.-P. Ring
Mise en page et édition : J.-P. Ring


Annexe.

Principaux critères d’identification de l’Ophrys occidentalis

(par J.-P. Ring)

 

Ophrys occidentalis
constitue une des espèces d’Ophrys qui présente la plus large gamme de variations.
Vouloir les décrire toutes ne ferait que dérouter le non spécialiste.
Seules seront donc décrites ici les caractéristiques florales majeures en soulignant les principales différences avec O. aranifera, O. passionis et O. araneola, espèces avec lesquelles O. occidentalis est encore trop souvent confondu.
Les différences avec O. suboccidentalis seront par ailleurs évoquées.

  - Les sépales sont le plus généralement vert-clair à jaunâtres, parfois blanc pur à teinté de rosâtre, plus rarement d’un rose soutenu, contrairement à O. aranifera et O. araneola chez qui la coloration est d’un vert franc.

Les sépales sont le plus couramment de couleur vert pâle légèrement teinté de jaunâtre.

Exemples de fleurs à sépales blancs ou teintés de rose, d’un rose tendre qui peut virer au brun par superposition avec les pigments chlorophylliens.

Le sépale dorsal, récurvé vers l’arrière au départ de son insertion subit ensuite une flexion qui le ramène vers l’avant, contrairement à O. aranifera,
ou O. araneola chez qui la position est verticale au départ de l’insertion.

- Les pétales latéraux ont des caractéristiques tinctoriales et de forme extrêmement variables.
Ils sont très fréquemment teintés et marginés de tons rouille (brun ferrugineux) mais peuvent aussi être verts prenant parfois des tons vert fluo à l’instar de ceux d’ O. araneola. Ils peuvent parfois aussi être joliment lavés de rose tendre. (vieux rose)
Leur forme et leur taille ne peuvent être retenues comme critères d’identification sur le terrain tant elles sont variables et ne peuvent être abordées qu’au travers de l’approche d’une étude statistique.

- Le labelle de taille moyenne est régulièrement ovoïde mais peut aussi se montrer plus ou moins trilobé par des échancrures latérales ou de forme losangique par enroulement inhomogène de ses bords latéraux.
Sa coloration d’un brun rougeâtre parfois profond n’est pas sans rappeler celle d’O. passio
nis.
La marge du labelle est plutôt discrète, d’un ton jaune pâle à brun orangé, plus rarement jaune vif.

Les gibbosités sont peu marquées et réduites à des "épaulements". Elles sont velues sur leur flanc externe, la pillosité se poursuivant sur les flancs du labelle en s’atténuant.


 Le mucron, est réduit à un discret triangle jaune, logé au fond d’une échancrure ou en position distale, non enfoncé.
- Le champ basal est fondamentalement concolore avec le labelle et il s’agit là d’un critère majeur qu’Ophrys occidentalis partage avec O. passionis.

 La cavité stigmatique est haute, pincée à sa base (photo), plus haute que la moitié de sa largeur. Mais ce critère doit avant tout être aborté par le biais statistique tout comme l’angle gynostème/labelle qui est fondamentalement ouvert proche de 60° en moyenne mais avec une très large gamme de variation.

- Les pseudo-yeux
plutôt volumineux sont cerclés de vert contrairement à O. passionis qui présente un cerclage blanc.

La macule présente des caractéristiques spécifiques mais qui sont inutilisables pour une diagnose sur le terrain. Seule une étude statistique et l’élaboration du spectre maculaire permettent d’en dégager les traits principaux. Elle est fondamentalement formée de deux branches parallèles isodynamiques sur l’ensemble de leur longueur et reliées par le seul pont embrassant le champ basal. Un pont distal peut éventuellement les relier : c’est une caractéristique typiquement arachnitiforme. Elle est marginée ou pas d’un liseré clair et présente parfois la présence d’éléments du segment 2 de la macule latérale (photo) caractère partagé avec O. passionis à l’exclusion des autres taxons excepté Ophrys suboccidentalis  !

O. occidentalis
O. suboccidentalis
O. passionis
O. aranifera
O. araneola
 Sépales
vert pâle
parfois blancs ou roses
verts
verts
vert franc
vert franc
 Pétales latéraux
verts à couleur rouille
souvent marginés parfois vert fluo
verts ± lavés de brun
brun-rouge
± intense
ou vert clair
vert clair
vert clair à fluo
 Labelle
Taille moyenne
Ovoïde
 Très grand
ovoïde
Taille moyenne
ovoïde
Grand
ovoïde
Très petit
ovoïde allongé
 Gibbosités
réduites à des épaulements
souvent marquées
Réduites à des épaulements
très marquées
peu marquées à absentes
 Marge du labelle
discrète, de tons et de largeur très variables
toujours large et d’un jaune franc
jaunâtre à brun orangé
jaune franc et de largeur variable
souvent jaune et parfois large
 Champ basal
Concolore avec
le labelle
hétérochrome
Concolore avec le labelle
hétérochrome
± concolore
 Cavité stigmatique
haute
pincée à la base
basse
large à la base
basse
pincée à la base
basse
large à la base
basse
large à la base

 Angle gynostème/labelle
ouvert ( 60°)
fermé (50° à 55°)
fermé (50°)
fermé (50°)
fermé (45°à 50°)
 Pseudo-yeux
verts
verts
blancs
verts
verts
 Macule
branches parallèles
arachnitiforme
araniforme à
± arachnitiforme
branches parallèles
± arachnitiforme
araniforme avec atrophie distale
réduite à deux segments
 Phénologie
Préccoce
mi-mars
Très précoce
février
Précoce
fin février
mi-avril
précoce
mi-mars

Tableau récapitulatif des principales caractéristiques florales des espèces araniformes et du complexe Ophrys exaltata (subsp. marzuola)

Pour résumer et comparer O. occidentalis avec les taxons d’aspect convergent sur des critères fortement marquants et sans équivoque.

- Tout le monde a pu constater au cours de notre périple en Dordogne le caractère fortement convergent entre Ophrys occidentalis et nos populations d’Ophrys passionis de la façade atlantique.
Même coloration brun profond du labelle et de la cavité stigmatique qui sont concolores.
Par contre :
Pseudo-yeux verts pour O. occidentalis et fondamentalement blancs chez O. passionis.
Angle gynostème/labelle ouvert pour le premier, fermé pour le second
Cavité stigmatique haute contre cavité stigmatique surbaissée.
En raison de la variabilité sur ces critères il est impératif de prendre en considération la population dans son ensemble et jamais des individus pris isolément à moins de se complaire dans des discussions polémiques et généralement sans fin.

- La possible confusion entre O. occidentalis avec O. aranifera, O. araneola et O. suboccidentalis paraît aujourd’hui totalement inconcevable, ne serait-ce qu’au vu de la seule caractéristique de coloration du champ basal : concolore avec le labelle chez O. occidentalis, hétérochrome chez les autres.

- Concernant la possible confusion entre O aranifera et O. araneola elle n’est compréhensible que dans des secteurs géographiques où O. araneola est très rare ou absent, pour des personnes donc qui n’ont jamais été confrontées à ces deux espèces qu’on ne peut de toute évidence pas confondre.
O. araneola malgré son diminutif est une plante généralement robuste et élevée dont la hampe porte de nombreuses fleurs (fréquemment plus de 10)
... mais de petite taille à labelle très petit (6 à 9 mm) régulièrement ovoïde, entier, à gibbosités absentes à très peu marquées, proche de la forme de l’ongle de notre auriculaire, à coloration brun clair labile virant rapidement au verdâtre. La marge jaune n’est pas à elle seule un critère valide car souvent présente chez O.aranifera par contre le longueur du sépale dorsal est supérieure à celle du labelle, ce qui n’est pas réalisé chez les autres espèces ici évoquées.
Là non plus ne pas juger sur des pieds isolés mais sur la population car l’hybridation entre les deux espèces est fréquente.



Conclusion.

Ophrys occidentalis est une espèce très polymorphe car d’origine composite dans laquelle nous avons pu déceler l’influence de plusieurs espèces qui sont rentrées dans la composition de son génome, résultat donc d’une évolution réticulée complexe à partir de plusieurs espèces en interaction. L’influence d’O. passionis est flagrante, tout comme celle d’une espèce arachnitiforme (caractère récurvé du sépale dorsal, macule à tendance arachnitiforme, angle gynostème/labelle ouvert... ) Sur certains sujets des caractères d’O. aranifera et d’O. araneola sont également perceptibles mais plus difficiles à caractériser.
Nous retrouvons donc chez O. occidentalis nombre de caractéristiques majeures décrites chez O. suboccidentalis qui en a hérité, mais nous avons bien pu constater que l’assimilation de l’une à l’autre des deux espèces était impossible (cavité stigmatique hétérochrome avec le labelle, angle gynostème/labelle fermé....chez Ophrys suboccidentalis qui possède par ailleurs un port beaucoup plus robuste) et ce malgré leur phénologie presque concordante, O. suboccidentalis fleurissant de façon plus précoce avec une avance d’une bonne quinzaine de jours.














 
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